Ceci se produit si les marchés financiers ne sont pas efficients et ne sont donc pas capables de faire la différence entre la solvabilité des pays qui accroissent leur dette publique et celle des pays qui ont une politique budgétaire plus rigoureuse. Dans ce cas, ils réclament des taux d’intérêt plus élevés dans toute la zone Euro.
A cette première limite à l’utilisation possible de la politique budgétaire, il faut en ajouter une autre : un pays qui fait du déficit doit nécessairement finir par faire des excédents pour pouvoir stabiliser sa dette. C’est le problème de soutenabilité des dettes publiques. La politique budgétaire ne peut donc être utilisée que de manière transitoire.
La solution du fédéralisme budgétaire, préconisée dès le rapport Mac Dougall de 1977, semble alors nettement plus souhaitable.
En effet, supposons qu’il existe un véritable budget fédéral : les impôts collectés par les pays sont centralisés puis redistribués sous forme de prestations sociales dans les pays de la zone, en fonction des besoins du moment. Alors, le pays qui se trouve en situation de récession (alors que les autres vont bien) bénéficie automatiquement de transferts de revenus issus des autres pays : il collecte moins d’impôt et bénéficie de plus de prestations (chômage, etc…) tandis que c’est l’inverse pour les pays qui vont bien. Cette solution permet aux pays en difficultés d’éviter d’accumuler une dette qu’ils sauraient rembourser qu’en menant ultérieurement des politiques freinant la croissance. Elle permet aussi d’éviter les externalités négatives de taux d’intérêt.
1.2.3 Le problème de la coordination entre politique monétaire et politique budgétaire
Le « jeu de la poule mouillée » présenté plus haut s’est déjà produit en Europe il y a peu de temps : après la récession de 1993, la reprise a été très vite bloquée par une remontée des taux d’intérêt par les différentes BC européennes. Récemment encore la BCE a remonté ses taux directeurs dans un contexte de reprise récente de la croissance, parce qu’elle trouvait que la discipline budgétaire de certains pays n’était pas suffisante : par exemple, en France au moment du débat sur l’utilisation de la « cagnotte » fiscale au printemps 2000, il y a eut des pressions de la part de la BCE pour qu’elle soit utilisée pour résorber le déficit plutôt que pour baisser les impôts. Cependant, le conflit se résout assez bien parce que la croissance est suffisamment forte pour qu’il y ait à la fois résorption rapide des déficits et politique budgétaire « généreuse ».
Ceci amène à s’interroger sur les arrangements institutionnels qui ont été adoptés pour tenter de résoudre ce problème de coordination. Puisqu’il semblait impossible de coordonner les politiques budgétaires et la politique monétaire de façon à ce qu’elles atteignent le bon niveau dans chaque pays, il a été décidé de limiter les marges de manœuvre de la politique budgétaire en fixant à 3% du PIB le maximum du déficit budgétaire autorisé dans chaque pays. Ce pacte a été adopté lors du traité de l’union (dit aussi traité de Maastricht) en 1992, puis renouvelé dans le « pacte de stabilité et de croissance » signé à Amsterdam en juin 1997. Il devait permettre d’instituer une sorte de « coordination par défaut » : la BCE aurait dû être rassurée sur le comportement des états qui s’engageaient à le respecter ; ce faisant, elle aurait mis en œuvre une politique monétaire plus accommodante ; cette politique aurait favorisé la croissance et donnée en retour des rentrées fiscales permettant de satisfaire le critère de déficit budgétaire.
Le pacte de stabilité semble effectivement avoir permis à la politique monétaire d’être plus accommodante de début 1995 à la mi-1997 et entre le second semestre 1998 et la fin 1999. Dans ces deux périodes où il y a eu baisse des taux courts, les BC puis la BCE semblent avoir tenu compte de l’affaiblissement de la croissance qui s’était manifesté fin 1994 à cause du krach obligataire, et début 1998 à la suite de la crise asiatique.
Pour le voir : Reprendre les graphiques de l’introduction et observer l’évolution du policy-mix aux USA et en Europe.
Si l’on observe les taux d’intérêt réels (et non pas les taux nominaux), on voit que le jeu de la poule mouillée n’a véritablement cessé en Europe que depuis le début de 1996 : cela semble avoir été efficace puisque la reprise a eu lieu en Europe à peine un an plus tard. Néanmoins, on voit que la politique monétaire de la BCE est restée nettement plus restrictive que celle que celle de la Fed jusqu’à la fin 2004, alors même que la croissance était nettement plus forte aux Etats-Unis.
Voir les tableaux 1, 3 et 4 issus de Fitoussi et alii 2005
(Diapositives n° 38, 39, 40)
Ce relatif échec a plusieurs explications possibles :
- il y a une ambiguïté sur ce qui fait réagir la BCE : en théorie c’est l’inflation, qui ne doit pas dépasser 2%, mais elle réagit aussi aux déficits budgétaires qui restent encore nettement plus élevés qu’aux Etats-Unis. L’objectif d’une inflation à 2% est lui-même très problématique : outre l’arbitraire du choix du seuil, on sait que l’inflation est un indicateur retardé qu’il convient de suivre avec prudence. Par exemple, au T4 2000, l’inflation de la zone Euro est relativement importante (légèrement supérieure à 2%) ce qui a conduit la BCE à menacer de hausses de taux alors qu’il y avait eu un ralentissement de la croissance au printemps 2000. Or cette inflation mesurée n’intègre pas encore les effets bénéfiques de la décrue du prix du pétrole et de la remontée du cours de l’Euro.
- la BCE, a en tête un NAIRU d’au moins 8,5% : elle considère donc que les baisses rapides du chômage actuel sont susceptibles de générer des tensions inflationistes. Aux Etats-Unis, la Fed a une vision beaucoup plus pragmatique du chômage d’équilibre.
- il s’agit d’un accord « de second rang », car on peut aisément montrer qu’une situation de coordination directe où les pays et la BCE choisiraient conjointement les niveaux de déficit et le niveau des taux d’intérêt donnerait toujours de meilleurs résultats.
1.2.4 Les marges de manœuvre
Il y a un relatif consensus sur la fait que le policy-mix européen idéal devrait combiner une politique monétaire active et une politique budgétaire relativement neutre, ou en tous cas cherchant à dégager des excédents. Or certaines voix se sont élevées contre cette assignation falacieuse en soulignant les points suivants :
les 2/3 des échanges commerciaux des pays européens ont lieu à l’intérieur de la zone. En conséquence, dans le cas une politique budgétaire expansive serait décidée par un nombre assez grand de pays, l’effet d’éviction dû à l’appréciation du taux de change pourrait être assez limité parce que la balance commerciale de la zone ne se dégraderait pas trop.
D’autre part, si cette relance a lieu dans un nombre assez grand de pays, les déficits budgétaires sont moins importants puisque chaque pays bénéficie de la relance des autres. Dès lors, les hausses de taux d’intérêt exigées par les investisseurs internationaux pourraient être assez limitées.
Les réactions des investisseurs internationaux à la dégradation des comptes publics pourrait aussi faire monter les taux d’intérêt tout en faisant baisser l’Euro, si elle était interprêtée comme un retour injsutifié du laxisme budgétaire. Néanmoins, dans le cas où la politique monétaire de la BCE se refuserait à être accommodante, et si les investisseurs internationaux jugeaient que le principal problème de la zone est son déficit de croissance, alors la relance budgétaire pourrait se faire avec des effets d’éviction relativement limités et être tout à fait justifiée.
2- La création d’un véritable budget fédéral n’est peut-être pas totalement une utopie. Il existe de nombreux exemples d’Etat dont la structure politique est fédérale et donc la politique budgétaire est différenciée entre les Etats (USA, Canada, Allemagne). Ce serait un bon moyen de compenser le fait que les conditions d’existence d’une ZMO ne sont pas réalisées sur le marché du travail.
Comment ce fédéralisme national fonctionne-t-il?
On peut répondre en donnant l’analyse de P. de Grauwe [1997, p. 17-18]: “Une redistribution implicite inter-régionale survient car une grande partie du budget de la nation est centralisée. En effet, quand l’output décline dans une région, les revenus des taxes au niveau fédéral suivent le mouvement. Au même moment, le système de sécurité sociale (qui est souvent centralisé) augmentera les transferts vers cette région (par exemple par le biais des indemnités de chômage). Le résultat net total est l’existence d’un effet redistributif automatique du budget central en faveur des régions en déclin. Dans certains états fédéraux, des mécanismes explicites de redistribution sont aussi prévus. L’exemple le plus connu est sans doute celui du “Finanzausgleich” entre les landers allemands.”
Le meilleur moyen de parvenir à une vrai forme de fédéralisme budgétaire au sein de l’UEM serait donc d’accroître la taille du budget fédéral plutôt que de procéder à des négociations au coup par coup pour déterminer dans chaque cas le montant des redistributions accordées par les pays. Malheureusement, le récent sommet de Nice semble plutôt avoir entériné la règle de limitation de la contribution des pays au budget fédéral à son niveau actuel très faible (1,27% du PIB national).
En fait, cette solution n’est pas très bien vue par les économistes d’obédience libérale qui considèrent qu’elle peut conduire à un “problème du Mezzogiorno” : les transferts budgétaires bénéficieraient toujours aux mêmes pays car ils leurs permettent de maintenir leur niveau de vie sans chercher à se restructurer de manière à produire plus efficacement. C’est pourquoi on a pu constater que les transferts vers la Wallonie en Belgique ou vers le Mezzogiorno en Italie vont toujours dans le même sens. Pour que le fédéralisme budgétaire évite ce travers, il faudrait donc que les transferts n’aient lieu que dans le cas de chocs négatifs de demande…
3- Le critère des 3% est un bon moyen de rassurer les investisseurs et de permettre à la BCE d’être un peu plus souple dans sa politique monétaire. Mais il peut très bien être dépassé sans que cela ne remette en cause de manière irréversible l’efficacité des politiques budgétaires : les investisseurs internationaux ne vont pas nécessairement sanctionner l’Europe parce qu’un de ces pays choisi de faire un peu plus de déficit plutôt que de s’enfoncer dans le marasme…
MWHAHAHAHAHAHAHHAHHAHAHA
je sais pas vous mais moi après avoir lu tout ça je me sens pas plus intelligent qu'avant.